Texte de l'épisode 3 :
Qui pouvait bien appeler à cette heure ?
Sur l’écran du téléphone, on pouvait lire : Funérarium. J'avais oublié !
Mathilde était assise sur une chaise de l'autre côté du salon. Elle avait l’air complètement épuisée : bouche ouverte et yeux mi clos. Toujours jeune et belle mais il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond chez cette petite jeune fille : peut être avait-elle faim ? C'était l'heure du repas, midi et demi.
Pour le moment, je devais répondre :
- "Allo ! Mademoiselle Belcaire ?"
- "Bonjour ! C'est bien elle !"
- "Vous n'oubliez pas que la cérémonie se tiendra demain à quinze heures. "
- "Oui, je sais"
- "Nous avons besoin de quelques renseignements pour tout organiser."
- "Je vous écoute"
- "Combien de personnes avez-vous invitées – pour les chaises ? Est-ce que vous avez prévu un sermon avec un curé – pour savoir combien de temps ça durera. Vous n'avez pas encore choisi l'urne pour les cendres.... " (La femme ne s'arrêtait pas...)
- "Alors : 25 personnes, pas de curé, deux discours de 5 minutes. Pour l'urne, je la choisirai demain. Nous arriverons aux alentours de deux heures et demie. "(C'était tout, mais la femme continuait et Mathilde était en train de tourner de l'oeil : elle avait besoin de manger.)
- "Bon madame, j'ai un millier de choses à faire : au revoir. Nous reparlerons de tout ça demain. Bonne après-midi ! "
Et cric et crac, je reposai le téléphone.
- "Eh bien ! C'est pas trop tôt!"
Je me dirigeai vers la cuisine.
- "Mathilde, vous avez faim ? "
- "Oui, si vous avez un petit quelque chose à grignoter, ça me ferait plaisir. Je pense qu'il y a longtemps que je n'ai rien mangé."
Je préparai une casserole de pâtes/pesto avec un peu de parmesan. Puis nous avons mangé, ou plutôt, elle a englouti deux assiettes pleines sans prendre le temps de respirer. Je n'osais rien dire et, de toute manière, je ne savais pas ce que j'aurais pu dire : on a le droit d'avoir faim.
- "Merci Mademoiselle Belcaire, c'était bon."
- "Maintenant peut-être que ça vous ferait du bien d'aller vous reposer un peu avant d'aller chez le notaire ?"
- "Est-ce que je pourrais appeler mon ami ? Je ne lui dirai pas où je suis mais j'aimerais savoir comment il va, le pauvre. Il n'est pas loin, ça ne coûtera pas cher !"
- "Si ça vous fait plaisir, prenez le téléphone dans votre chambre : mais j'ai un forfait de deux heures : vous serez bien gentille de faire vite."
- "Merci Mademoiselle"
Elle prît le téléphone, ferma la porte de sa chambre et commença à parler, tellement doucement que je ne pouvais rien entendre. Puis elle revint poser le téléphone sur l'étagère et me dit :
- "Merci, vous êtes bien gentille".
Elle retourna dans sa chambre. J'étais sûre que ses yeux étaient humides : elle avait pleuré, pécaire, que pouvais-je faire ? Si elle ne voulait rien me dire, moi je ne pouvais rien lui demander. Une nuit et demain Mathilde devrait trouver un autre logis : je n'étais pas mère Thérésa ! J'ai travaillé un peu – tellement de papiers à remplir pour l'enterrement!
Puis j'ai enfilé un « jean », une « chemise » - il faisait trop chaud pour s'habiller comme une dame, et je suis allée frapper à la porte de la chambre :
- "Mathilde, il est l'heure de partir !"
- "J'arrive !" Elle sortit de la chambre avec une belle robe rouge, des chaussures d'été, rouges également : elle était jolie et élégante. Le trajet fut court. Et quand je suis entrée chez le notaire, j'étais fière d'être avec une si belle fille. Le notaire vint m'ouvrir la porte :
- "Bonjour Maître, je vous présente ma filleule, Mathilde !"
(Ça m'était venu comme ça : il fallait bien que je dise quelque chose ! Mathilde esquissa un petit sourire et s'assit sur un fauteuil en osier de Vallabrègues )
- "Enchanté, si vous voulez bien attendre ici Mathilde ! Peut- être que ce sera un peu long mais vous avez de quoi lire et si vous avez soif, il y a une bouteille d'eau et un verre."
- "J'ai tout mon temps, merci beaucoup. Je serai bien ici."Nous sommes entrés dans l'étude de Maître Bardot : Paul n'était pas encore arrivé. C'était un beau bureau : deux grandes fenêtres qui donnaient sur un grand jardin avec des palmiers, des cèdres du Liban, des marronniers et j'avais l'impression d'être, assise dans un grand fauteuil vert Napoleon III, dans un roman du Balzac de Rodez.
- "Je vous ai demandé de venir un peu plus tôt parce qu'il y a un petit problème. Bien sûr votre oncle vous a bien légué à peu près tout ce qu'il avait. Mais il y a une chose pas très claire : votre cousin Paul avait un fermage sur la vigne du Clapas, qui fait deux hectares. Et la volonté de votre oncle est que Paul continue de travailler cette vigne c'est à dire que vous ne pourrez pas la vendre et que vous devrez le garder comme fermier. Le loyer n'est pas très élevé."
- "Ne vous faîtes pas de mauvais sang : même s'il la lui avait donnée cette vigne, il n'y aurait pas eu de problème. Je suis seule et j'ai assez d'argent pour vivre et voyager".
- "Autre chose : comme vous n'avez pas d'enfants, quand vous partirez pour l'autre monde, le plus tard possible je vous le souhaite, tout ce que vous aurez gardé, argent, terres et maison iront à l'Eglise catholique."
- "Je n'ai rien à ajouter : la volonté d'un mort dans son testament doit être suivie."
-" Jeanne il faut que je vous dise : j'ai été surpris, je ne savais pas que vous aviez une filleule aussi jolie, ces yeux verts...."
Heureusement la porte s'ouvrit et la secrétaire fit entrer le cousin Paul. Ouf !
J'ouvris la porte de la maison et devant moi, une fille, dans ses vingt ans peut-être, les cheveux noirs, les yeux verts, la peau brune, grande et mince, une valise à la main, qui me demande avec un beau sourire et une douce voix :
-« Madame Jeanne Belcaire ? »
-« Oui, c'est moi ! Que voulez-vous ? »
-« Vous vous souvenez de Marie Delbas, ma mère ? »
-« Peut-être, c'est possible... »
-« Vous étiez ensemble au collège dans les années... »
-« Et que fait votre mère aujourd'hui ? »
-« Pécaire, elle est morte, la pauvre, l'an passé et elle m'avait toujours dit : si un jour tu as des problèmes, va t'en voir mon amie Jeanne Belcaire, elle t'aidera."
-« Moi ? Comment pourrais-je vous aider : je n'ai pas de travail pour une fille comme vous, je suis seule et surtout, je pense que maintenant que je suis à la retraite je veux voyager. »
- "Peut-être que vous pourriez me loger ? En échange du gîte et du couvert j'entretiendrai l'intérieur mais aussi l'extérieur, je vois que vous avez un joli jardin."
- "Je peux le faire toute seule !"
- "Madame, soyez gentille, je n'ai pas d'endroit où aller !"
Il y eut un silence : ça me faisait peine de laisser cette fille dehors.... Peut-être que c'était vrai, que sa mère était au collège avec moi. Puis, sans réfléchir plus :
- "Entrez : vous dormirez ici cette nuit et demain vous chercherez un endroit où aller !"
J'essayais de trouver sur le visage de cette jeune fille une ressemblance quelconque avec une femme que j'aurais pu connaître dans ma jeunesse : rien. Je lui montrai la salle d'eau, et l'emmenai dans la chambre d'amis.
- "Installez-vous ici et je vous appellerai pour le dîner. Maintenant, j'ai des choses à faire."
- "Pour l'enterrement de votre tonton Vincent ?"
- "Comment le savez-vous ?"
- "Tout le village en parle, ils disent que maintenant vous êtes riche !"
- "Rien n'est encore décidé ! Mais vous avez raison, l'enterrement est pour demain."
- "Je vous aiderai pour recevoir la famille"
J'ai fermé la porte et suis allée dans le salon où je me suis assise : tout ça ne semblait pas vrai ! Qui était cette fille ? Et cette Marie Delbas ? Aucun souvenir de cette fille au collège ni ailleurs. Peut-être que c'était son nom de femme mariée ? Les rêves s'en étaient allés, la réalité m'emplissait la tête et me faisait mal.
Le téléphone sonna : sur l'appareil s'affichait le nom de Maître Bardot, le notaire de l'oncle Vincent :
- "Mademoiselle Belcaire ?"
- "Bonjour Maître Bardot, comment allez-vous ?"
- "Mademoiselle, j'ai besoin de vous voir : il est temps de lire le testament de votre oncle."
- "Peut-on le faire aujourd'hui ?"
- "Tout de suite : votre oncle a demandé que le testament soit lu à la famille, c'est à dire vous et votre cousin Paul, avant l'enterrement !"
- "Ah bon ?"
- "Votre cousin Paul sera dans mon bureau à 4 heures : je vous y attendrai aussi."
- "Je viendrai, soyez sans crainte, Maître Bardot !"
Je posais le téléphone. Et maintenant, qu'allais-je faire de cette fille ? La laisser seule dans la maison avec les chats ? Non, je n'avais pas confiance : elle viendrait avec moi et m'attendrait dans la salle d'attente du notaire. Quelle histoire !
- "Mademoiselle Delbas !"
- "Mon nom est Mathilde, Mathilde Delbas."
- "Mathilde, c'est un joli nom. Mathilde vous viendrez avec moi chez le notaire ou si vous voulez je vous déposerai devant le supermarché et je reviendrai vous chercher après mon rendez-vous."
- "Je n'ai pas d'argent pour acheter quoi que ce soit au supermarché !"
- "Alors vous viendrez avec moi et m'attendrez dans la salle d'attente du notaire."
Je commençai à suer et trembler : qu'est-ce que j'avais fait d'ouvrir la porte et laissé entrer dans ma maison une fille que je n'avais jamais vu ? Peut-être que ce serait bien de lui demander ses papiers ? On peut être courageux mais sans être complètement naïf ! Ou peut-être que Mathilde était la fille que je n'avais pas pu avoir? Quand j'étais jeune, ce n'était pas possible d'être « fille-mère », la seule solution était de rester « vieille fille » comme disaient les bonshommes au Café du Printemps.
Allons ! Encore le téléphone...
Texte de l'épisode 1 :
Je ne veux pas pleurer : aujourd'hui l'oncle Vincent s'en est allé. Ça toujours été un type un peu maladroit mais qui n'oubliait jamais le sourire et la convivialité avec ceux qu'il aimait : pour sûr, ce n'était pas un troubadour. Mais je vais vous le dire, des poètes, il n'y en a guère au village : Ah ! Si ! Le père Bertrand , au Café du Printemps, quand il a englouti trois ou quatre pastis, il se souvient du temps où sa grand-mère chantait et lui racontait des histoires : alors le ciel change de couleur et ses yeux s'emplissent de larmes qui coulent sur sa peau cuite au soleil, rouge de tous les coups bus entre kes souches de sa vigne.
Je me présente : je suis Jeanne Belcaire, la vieille fille du quartier, soixante ans, grande pour une femme du midi (1m67) ni maigre ni grosse, les yeux bleus trop gros pour être jolis, le menton pointu, les cheveux blonds pour cacher la blancheur de l'âge, la bouche grande et fine, la peau blanche et rouge. Certians disent que dans ma jeunesse j'étais une belle plante : mais personne ne me plaisait. Et quand je me promène dans les rues, ça me fait plaisir de revoir les vieux amours de ma jeunesse.
Il y a des jours où je vois encore s'éclairer la flamme de "l'amour de loin" dans leur : "Bonjour Jeanne, comment vas-tu ? Toujours raide et l'échine droite comme une jeunesse !". ce matin, la chanson a changé quand je rencontre dans la Rue Haute René - qui était si beaux et un de ceux que j'aimais tant dans mes vingt ans. Mais sans rien me dire il avait fait un enfant à la Rosette et avait été forcé de se marier avec elle. Aujourd'hui il est à la retraite : il était employé de Mairie.
- "Eh bien, ton oncle nous a laissé, il est parti boire un coup auprès du Bon Dieu. Hélàs, Vincent n'était pas un grand homme mais c'était un homme qui avait toujours travaillé et sué pour épargner. Qui sont les héritiers ? Il n'avait pas d'enfants et tu es sa plus proche parente. Tu vas devenir un parti intéressant : peut-être que tu trouveras enfin un mari. Ce ne sera pas trop tôt !
C'est vrai que l'oncle Vincent m'a laissé tout ce qu'il avait : c'est à dire une maison, ses vignes -20 hectares- et son compte en banque. Mais il faudra attendre un peu avant de savoir combien j'aurai d'argent. Je commence à rêver : dans mon souvenir, il y a un homme, Rémy que je n'ai jamais pu oublier : tous les mois de Janvier pour le jour de l'an il m'envoie une lettre de Baltimore dans le Maryland, aux États-Unis. Il était marié avec une américaine qui est morte aujourd'hui. Il était professeur de langue romane à l'université et comme dans ce pays ils travaillent tard, il doit toujours enseigner. Il est temps de vivre maintenant, temps de voyager : j'ai été empoyée de La Poste toute ma vie, je n'ai jamais eu d'enfants. La raison raisonnable et mes chats que je n'ai jamais voulu abandonner m'ont empêchée de vivre à fond. Je veux un lifting, des vêtements à la mode, il me faudra apprendre un peu d'anglais (je ne pense pas qu'il soit possible d'apprendre l'amerloque) et je partirai rejoindre l'amour de ma vie dans le pays d'Obama : l'aventure est à ma porte, ne me reste plus qu'à l'ouvrir pour la faire entrer : un, deux, trois...
Je vais boire un petit verre de Tuilet que j'ai acheté à Estagel et que j'aime tant : il est doux, ce vin, quand il coule dans la gorge. Maintenant je suis dans le fauteuil que m'a laissé ma grand-mère, les pieds sur une chaise, je veux me noyer dans mes rêves. Et pour commencerbil me faut aller voir le notaire. mais mon petit doigt me crie comme un fou :
-"Jeanne, d'abord il te faut enterrer l'oncle Vincent, aller au crématorium et inviter le village à boire un coup."
-"Tu as raison : Champagne pour tout le monde sur la terrasse de l'oncle Vincent ! Non, chez moi !"-"Des fois tu ne sembles pas être une femme d'ici : ce n'est pas du champagne qu'ils veulent boire tous : du pastis pour les hommes et du Muscat de Rivesaltes pour les femmes !"
-"Tu as toujours raison ! On va cfaire comme tu as dit. Et alors au travail, le monde m'appartient ! Et Rémy : à toi pour la vie !".
Et le Tuilet coule dans mon estomac.
Je n'ai qu'à aller voir sur l'ordinateur où est Baltimore, la baie du Cheasepeake - ça doit être difficile de prononcer ce nom - : Mappy, non ! Je n'ai qu'à cliquer sur États-Unis... chercher Maryland... Mais voici qu'on sonne à la porte. Qui cela peut-il bien être : le notaire, les cousins, un amoureux ou peut-être un voleur ? ...
Joana, vieille fille de 60 ans à la retraite dans un village du Languedoc. Son oncle Vincent vient de mourir et lui a tout laissé : l'argent, la maison, les vignes. Et voici qu'arrive Mathilde Delbàs, une fille qui cherche un toit et un travail. Joana ne veut pas la garder mais peu à peu, apprécie de ne plus être solitaire. De plus, Joana voudrait aller rendre visite à Rémi, un ami d'enfance qui est professeur à l'université de Baltimore aux USA. Elles s'embarquent toutes les deux dans un grand voyage, et quel voyage !
Présentation de la compagnie Gargamela :
Depuis 1988, la Compagnie Gargamela-théâtre sillonne les routes à la recherche d'un théâtre populaire, un théâtre d'expression de peuple, qui va chercher ses racines dans le fond, et la forme dans la fête Carnavalesque comme dans la poésie des Troubadours.
Discussion avec une femme âgée sur les chansons et la vie rurale dans le village de Prémian. Le témoin chante ou fredonne quelques chants traditionnels et des chansons populaires. L'entretien commence et s'achève avec des airs musicaux joués à l'accordéon.
Sommaire
00:00:00 à 00:02:37 - Air d'accordéon : Ah ! Le petit vin blanc 00:02:37 à 00:05:07 - Air d'accorédon : Los esclops
00:05:07 à 00:07:34 - Cantique en occitan
00:07:34 à 00:08:44 - Chant : Pastres, pastretas
00:08:44 à 00:09:34 - Discussion autour de la traduction ancienne des chants de noël en patois
00:09:34 à 00:10:03 - Chant : Lous pastres descendon, descendon cargats
00:10:03 à 00:11:52 - Remarques sur l'apprentissage du français et du patois à l'ecole
00:11:52 à 00:13:35 - Discussion sur les études
00:13:35 à 00:14:53 - Réflexion sur les propriétaires terriens et la richesse aujourd'hui - L'abandon des terres
00:14:53 à 00:16:38 - Discussion sur le marché de l'emploi et les avantages du métier d'instituteur
00:16:38 à 00:16:54 - Explications sur la danse du quadrille 00:16:54 à 00:17:15 - Chant : Per plan dançar, viva la limosina 00:17:15 à 00:17:29 - Chant : Polka
00:17:29 à 00:19:15 - Chant : Charleston, Chacun son truc (Maurice Chevalier)
00:19:15 à 00:20:16 - La jeunesse durant la guerre de 1914-1918 00:20:16 à 00:20:49 - Le Graïle
00:20:49 à 00:22:10 - Récit de la moisson
00:22:10 à 00:23:36 - Chant : Los Segaires
00:23:36 à 00:24:06 - Discussion autour des conditions de travail des moissonneurs
00:24:06 à 00:25:18 - Explications autour des chansons du 14 juillet 00:25:18 à 00:28:07 - Discussion autour des conditions de vie hier et aujourd'hui, dans les villes et les campagnes
00:28:07 à 00:30:48 - Air d'accordéon
00:30:48 à 00:31:28 - Air d'accordéon : Pòrc Gras
00:31:28 à 00:32:56 - Air d'accordéon