Enregistrement de Gilbert Garrigoux et Georges Gleyes
La Granja. Collecteur
Gilbert Garrigoux est né en 1926 à Saint Cirgues où il a toujours vécu. Il exerçait l’activité d’entrepreneur en travaux agricoles. Il était apprécié dans le travail de l’extraction du bois et particulièrement dans les travers difficilement accessibles du Ségala. Son courage au travail était remarquable.
Comme dans les périodes anciennes où l’animation de la danse se faisait au violon ou à la clarinette, les accordéonistes appartenaient souvent à des lignées de musiciens. C’est le cas de la famille Garrigoux : le père et l’oncle de Gilbert animaient les veillées du voisinage à l’accordéon diatonique. Gilbert débuta avec cet instrument, un accordéon de la marque Dedenis de Brive. Grâce aux conseils d’un camarade, il s’initiera par la suite, dans sa jeunesse, à l’accordéon chromatique. Pendant l’Occupation, Gilbert Garrigoux fut souvent demandé pour l’animation de bals clandestins. C’est lors de ces occasions qu’il affine son jeu et développe son répertoire.
Après une vie professionnelle très remplie, Gilbert Garrigoux reprendra la pratique de l’accordéon. Avec son complice Marcel Lavergne (accordéoniste de Sousceyrac né en 1911) il participe au groupe folklorique la Bourrée de Latronquière, dirigé par monsieur Lafarguette. Avec Marcel Lavergne, Gilbert Garrigoux poursuivit son activité de musicien de bal. Son groupe est spécialisé dans le répertoire traditionnel (bourrées, polkas, mazurkas, scottishs, valses) et le répertoire musette ou « typique » (tangos, chachas, rumbas, sambas, paso-doble). Le jeu de Gilbert Garrigoux était particulièrement adapté aux répertoires traditionnels des danses comme les bourrées, valses, scottiches ou mazurkas. Gilbert Garrigoux maîtrisait un style très vif, cadencé et très rythmique, conditionné par le doigté très ornementé et le mouvement approprié du soufflet. Il avait développé un jeu très riche de la mélodie à la main droite, laissant à son compagnon Marcel Lavergne le rôle d’accompagnement des basses et accords de la main gauche.
Georges Gleyes, décédé le 23 juin 2020 à l’âge de 82 ans, était natif de Latronquière où il a vécu la majeure partie de sa vie.
Georges Gleyes était un passionné de musiques populaires. Il avait une conscience assez vive de la richesse et de l’intérêt de ces musiques dans son environnement proche. Nous l’avions rencontré en tant que collectionneur d’accordéons. Il était collectionneur en général puisqu’il avait développé une activité complémentaire de son métier d’entrepreneur du bâtiment, celle de brocanteur. Il avait créé une brocante avec sa compagne propriétaire du magasin universel à Latronquière. Contrairement à beaucoup de ces homologues collectionneurs, qui valorisent des collections en nombre important d’instruments, Georges Gleyes préférait présenter aux passionnés une petite collection d’accordéons spécifiques par leur rareté ou leur histoire locale. Par exemple, il possédait, dans son arrière boutique, quelques accordéons de la marque Calmel (dont il n'existe que de rares exemplaires puisque ce fabriquant originaire de Betaille dans le Lot, avait construit de magnifiques accordéons sur une période courte, de 1932 à 1939).
Georges Gleyes aimait particulièrement les danses locales jouées à l’accordéon. Nous avions passé de beaux après-midi avec lui chez Gilbert Garrigoux. Il admirait particulièrement celui-ci dans le jeu des bourrées. En fin connaisseur, avec sa discrétion habituelle, il accompagnait Gilbert, tout en restant en retrait, afin de ne pas empiéter sur le jeu de son compagnon.
En plus de l’accordéon, comme beaucoup de musiciens de sa génération Georges Gleyes pratiquait l’harmonica (avec le jeu caractéristique du coup de langue qui produit un jeu d’accompagnement de basses superposé à la mélodie). L’harmonica fit partie des bagages de beaucoup d’appelés durant la guerre d’Algérie. En règle générale Georges Gleyes ne dénigrait pas les « petits » instruments. Nous avions collecté avec lui des instruments de fabrication éphémère comme le « rana », crécelle de la semaine sainte fabriquée par l’un de ses beaux-frères.
Georges Gleyes a été un véritable informateur pour nos enquêtes. Il nous avait présenté des personnes utiles pour la compréhension des traditions musicales du Ségala lotois, tels la famille Laborie (famille du violoneux Julien Laborie dit lo molinièr, né en 1912) ou la chanteuse Jeanne Tiersou (originaire de Gorses et épouse de musicien).