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Que significa lo mot « Paratge » ?
Centre interrégional de développement de l'occitan (Béziers, Hérault)

Votre question : Quelle est la signification du mot « Paratge » ?

Notre réponse :

Le terme d'ancien occitan « paratge » est relativement fréquent dans la poésie des troubadours où il revêt tour à tour le sens premier de « noblesse de sang » et le sens plus original de « noblesse de cœur » ou « de mérite ». Il est surtout connu par son emploi dans la Canso de la Crozada (ou « Chanson de la Croisade contre les Albigeois », XIIIe siècle), dont il représente la valeur centrale et qui continue de fasciner de nombreux auteurs contemporains pour son sens « patriotique ». La redécouverte du texte de la Canso au XIXe siècle – dans le contexte de l'éveil des nationalités en Europe et des premiers mouvements renaissantistes occitans – et surtout dans la seconde moitié du XXe siècle, a rendu le terme paratge très courant dans les discours occitanistes et chez les écrivains et artistes d'expression occitane.

Fol. 231 du manuscrit de la<i> Canso de la crosada</i>. Ce manuscrit contient un nombre très important d'occurences du mot « Paratge ». Bibliothèque nationale de France, manuscrit Français 25425

Le terme est réputé « intraduisible »1. Il donne lieu à des interprétations qui en ont fait évoluer le sens2. Paratge n'aurait donc pas d'équivalent dans d'autres langues : soit parce que le concept incarne les valeurs spécifiques à la civilisation occitane du Moyen Âge (définition idéologique), soit parce qu'il s'agit d'une invention littéraire liée à une œuvre en particulier (définition historique).

Si le terme échappe à une définition claire – ou du moins unique – c'est qu'il connaît une évolution dans son emploi. En partant des sources littéraires, le terme occitan est, à l'origine, assez proche du français « parage »3 avec lequel il partage l'étymologie latine par- (= pair, égal). Mais son emploi littéraire par les troubadours occitans fait évoluer le paratge occitan de façon originale : de qualité de naissance, le terme évolue dans sa signification pour désigner une vertu morale, celle de « noblesse d'âme » pourrait-on dire.
Enfin, une œuvre particulière – tardive sur le plan de la littérature courtoise occitane et à bien des égards exceptionnelle dans l'histoire de la littérature occitane du Moyen Âge –, la Canso de la Crozada (deuxième partie du texte, dite de l'Anonyme ou du Continuateur) utilise le terme paratge à une fréquence extraordinaire dans le poème. S'il désigne la qualité morale essentiellement attachée au jeune comte de Toulouse, paratge est également utilisé comme allégorie de la ville et de ses habitants, voire en valeur universelle. De façon surprenante, le poème du XIIIe siècle revêt une connotation patriotique pour ses lecteurs du XIXe et XXe siècle. Dans la Canso, le comte de Toulouse, son allié le roi d'Aragon, la chevalerie languedocienne en général, puis la population tout entière semblent se battre pour paratge érigé en valeur suprême et partagée.
Plus qu'un concept moral qu'il serait difficile de définir tant son emploi varie dans le poème, le terme devient davantage une forme « d'étendard ». La redécouverte et les interprétations patriotiques, voire identitaires, du poème de la Canso eurent une grande influence sur l'ensemble des mouvements de renaissance culturelle ou de revendication occitans (Félibrige, occitanisme d'après-guerre ou contemporain). Il est aujourd'hui courant dans le discours des promoteurs de la langue occitane au même titre que convivencia ou larguesa qui connaissent toutefois des origines et des significations distinctes mais font écho aux thèmes de vivre-ensemble, de laïcité, de tolérance.

1/ Définitions et interprétations de « paratge »

1-1/ Définitions historiques

  • François-Just-Marie RAYNOUARD, Lexique roman : ou dictionnaire de la langue des troubadours..., à Paris, chez Silvestre, tome quatrième, 1842 :
    « PARATGE, s. m., parage, extraction, rang, qualité. »

  • Paul FABRE, Petit dictionnaire de la littérature occitane du Moyen-Age : auteurs, œuvres, lexique, Montpellier, Centre d'études occitanes, 2006, Lo Gat Ros :
    « En ancien occitan, ce mot signifie 'noblesse, haute naissance' ; il désigne aussi l'ensemble des nobles. Dans la langue des troubadours, il a pris également le sens de 'noblesse de cœur' ».

  • Charles ROSTAING, « Le vocabulaire courtois dans la deuxième partie de la « Chanson de la Croisade des Albigeois », dans Mélanges de linguistique, de philologie et de littérature offerts à Monsieur Albert Henry, Strasbourg, 1970 :
    « Le sens de paratge est donc très clair : de l'idée de 'famille noble' on est passé à celle de 'noblesse', d'abord la noblesse de la naissance, puis celle de l'esprit ou de l'âme : c'est dans cette dernière acception que le mot est pris dans la Chanson. »

  • Linda PATERSON, Le Monde des troubadours : la société médiévale occitane de 1100 à 1300, Montpellier, Les presses du Languedoc, 1999 :
    « Paratge constitue évidemment l'éthique dominante du poème, et il y a fort peu d'exemple d'ailleurs que le concept de chevalerie transcende son aspect purement fonctionnel et militaire ; au contraire, ici la chevalerie semble prendre une valeur éthique. La meilleure définition de Paratge est peut-être ici le droit à son propre héritage : un droit qui n'est pas seulement celui d'un lignage noble, mais aussi de toute une société. L'éthique consiste à lutter pour ses droits propres et ceux de ses alliés, une différence notable avec l'éthique du vasselage dans les sources françaises de Flori. »

  • Robert LAFONT, La geste de Roland, tome 2 : Espaces, textes, pouvoirs, Paris, l'Harmattan, 1991 :
    « Étymologiquement paratge est formé sur par 'égal'. Il marque l'entente d'hommes qui se reconnaissent égaux entre eux. Le terme est d'origine aristocratique : il est apparu entre personnes 'de haut parage'. Il désigne la noblesse de sang et par suite d'âme. Mais il n'est pas généralement une qualité morale spécifique qui envahit la société, l'organise, lui donne un sens. Ce qu'il devient dans la seconde partie de la Chanson de la Croisade. »

  • Robert LAFONT, Prémices de l'Europe, Arles, Sulliver, 2007, Coll. Archéologie de la modernité :
    « C'est donc une valeur d'abord aristocratique, mais si elle signifie une égalité de rang en une classe, c'est dans la mesure où l'âme mérite la naissance. On reconnaît là l'idéal de la chevalerie dans sa pureté conquise, accessible à tout homme qui consacre sa vie à le servir. »

  • Miquèla STENTA, Larguesa : un art du don dans l'Occitanie médiévale, Montpellier, CRDP de l'Académie de Montpellier, 2011.
    « Paratge, c'est la noblesse de rang et d'esprit qui, dans ce cas, n'exclut pas la reconnaissance par le mérite, comme pairs, d'hommes d'origine humble. »

  • Miquèla STENTA, Les valeurs de la société de Cortesia : en pays d'Oc aux XIIe et XIIIe siècles, Meuzac, lo Chamin de Sent-Jaume, 2011. (à propos du concept de paratge dans le poème de la Canso)
    « Si paratge est cette noblesse de cœur, il est aussi un sentiment patriotique-national. (…) On se bat pour le défendre ou le rétablir ; il représente toute une civilisation. Il faut sauver paratge comme une patrie. »

  • Eliza MIRUNA GHIL, L’Âge de Parage : essai sur le poétique et le politique en Occitanie au XIIIe siècle, New York-Bern-Frankfurt am Main-Paris, Peter Lang, 1989.
    « Le terme de 'paratge' appartient à l'origine au vocabulaire du droit vassalique et nomme l'institution féodale qui règle l'héritage et le morcellement des fiefs. Il s'emploie, par exemple, pour préciser les obligations du fils aîné dans la famille noble à l'égard de son seigneur et de ses frères cadets. Dans la poésie courtoise le terme prend des connotations plus générales de valeur personnelle – par exemple, lorsqu'il est employé pour décrire la dame aimée dans la canso d'amour, qui est alors 'de gran paratge', 'd'aut paratge' ou lorsqu'il est employé par référence au sujet lyrique, dans le cas d'une trobairitz ('mos paratges', dit la comtesse de Dia). Il peut s'appliquer aussi, dans le sirventes, aux membres de la société courtoise qui partagent les valeurs morales chères aux troubadours et qui reçoivent l'appellation de 'om de paratge'.  Cette qualité n'est pourtant pas considérée comme essentielle, car c'est la noblesse de cœur (surtout amoureux) qui fait la valeur de l'individu et non pas celle de naissance. La fin'amor promeut ainsi, aux yeux d'une société différenciée hiérarchiquement, la possibilité morale d'une 'méritocratie'. »

1-2/ Définitions idéologiques

Qu'elles soient réellement fantasmées par les auteurs ou pensées dans l'idée légitime de bâtir une culture occitane contemporaine à partir de son héritage littéraire, les définitions que nous appelons par commodité « idéologiques » - sans jugement de valeur - affirment l'existence du concept de « paratge » au sein d'une partie de la société contemporaine, le terme fonctionnant comme un lieu de mémoire. Le terme est à ce titre fréquent dans la création artistique (littéraire, musicale, etc.). Parmi cette production idéologique, on peut signaler le texte célèbre de la philosophe Simone Weil : « L'agonie d'une civilisation vue à travers un poème épique » publiée en 19434.

  • Émile NOVIS (pseudonyme de Simone WEIL), « L'agonie d'une civilisation », dans Le Génie d'oc et l'homme méditerranéen : études et poèmes, les Cahiers du Sud, 1943 :
    « Le poète de Toulouse [l'auteur anonyme de la deuxième partie de la Canso] sent très vivement la valeur spirituelle de la civilisation attaquée ; il l'évoque continuellement ; mais il semble impuissant à l'exprimer, et emploie toujours les mêmes mots, Prix et Parage, parfois Parage et Merci. Ces mots, sans équivalents aujourd'hui, désignent des valeurs chevaleresques. Et pourtant, c'est une cité, c'est Toulouse qui vit dans le poème, et elle y palpite tout entière, sans aucune distinction de classes. Le comte ne fait rien sans consulter toute la cité, 'li cavalier el borgez e la cuminaltatz', et il ne lui donne pas d'ordres, il lui demande son appui ; cet appui, tous l'accordent, artisans, marchands, chevaliers, avec le même dévouement joyeux et complet. C'est un membre du Capitole qui harangue devant Muret l'armée opposée aux croisés ; et ce que ces artisans, ces marchands, ces citoyens d'une ville – on ne saurait leur appliquer le terme de bourgeois – voulaient sauver au prix de leur vie, c'était Joie et parage, c'était une civilisation chevaleresque. »

  • Fernand Niel, Albigeois et cathares, Paris, Presses universitaires de France, 1955, Que sais-je ?
    « Paratge (signifie) honneur, droiture, égalité, négation du droit du plus fort, respect de la personne humaine pour soi et pour les autres. Le paratge s'applique dans tous les domaines, politique, religieux, sentimental. Il ne s'adresse pas seulement à une nation ou à une catégorie sociale, mais à tous les hommes, quelles que soient leur condition et leurs idées. »

  • Paul OURLIAC, « Réalité ou imaginaire : la féodalité toulousaine », dans Religion, société et politique : mélanges en l'honneur de Jacques Ethel, Paris, Presses universitaires de France, 1983 :
    « L'unité du Languedoc existe par sa langue mais plus encore dans cette communauté d'idéal qu'exprime le « Paratge » : un idéal qui est fait de loyauté, d'équité, de fidélité, de respect du droit, tout ce qui oppose le Midi aux chevaliers croisés. »

1-3/ Sur l'importance de paratge dans la Canso de la Crozada

  • Yves DOSSAT, « La croisade vue par les chroniqueurs », dans Paix de Dieu et Guerre sainte en Languedoc au XIIIe siècle, Toulouse, Privat, Cahiers de Fanjeaux, n° 4, 1969.
    « L'auteur de la seconde partie de la Chanson est un adversaire résolu de la croisade et pour tout dire un partisan. Bien qu'il ne l'exprime pas ouvertement, il n'est certainement pas loin d'admettre que les croisés sont des suppôts de Satan. Pour traduire sa pensée, le continuateur introduit dans la Chanson des allégories qui représentent les qualités et les vertus des uns, les vices et les tares des autres.
    D'un côté se trouvent Paratge, la noblesse d'âme, le sentiment de l'honneur, les vertus d'un cœur généreux, inséparable de Pretz, le mérite personnel, qu'accompagnent le bon droit, Dreitz, la justice de la cause, Dreitura, la loyauté, Lialtatz. De l'autre l'orgueil, Orgolhs, l'esprit de démesure, Desmesura, la fourberie, Engans, la mauvaise foi, Falhimens. »

  • Philippe MARTEL, Les cathares et l'histoire : le drame cathare devant ses historiens : 1820-1992, Toulouse, Privat, 2002, coll. Catharisme.
    « En face [de l'Historia albigensis de Pierre des Vaux-de-Cenay], il y a la Chanson de la croisade, tout aussi engagée, surtout dans sa seconde partie, rédigée en occitan vers 1228 et qui est en fait un appel aux sujets du comte de Toulouse, au moment du dernier grand choc avec les croisés de Louis VIII. Ici encore, il serait vain d'attendre de notre auteur trop de nuances : les croisés sont des imposteurs et des usurpateurs, à l'ambition démesurée. Les seigneurs occitans, et notamment le jeune comte Raimond VII, représentent les valeurs courtoises – l'intraduisible Paratge par exemple – valeurs proposées à toute une population en guide d'idéologie « nationale » : l'état des liens féodo-vassaliques en pays d'oc ne permettant pas au poète-popagandiste de jouer uniquement de cette corde ('Nous suivons le comte parce qu'il est notre seigneur'), il faut compléter : 'Nous le suivons parce qu'il respecte les usages et valeurs du pays, et que ceux d'en face ne les suivent pas.' »

2/ Occurrences et emplois du terme

La Concordance de l'Occitan médiéval5 permet d'effectuer des recherches lexicales dans l'ensemble du corpus des textes littéraires en ancien occitan (corpus des Troubadours, corpus des textes narratifs en vers). La COM relève plus de 200 occurrences du terme paratge dans le corpus littéraire en ancien occitan (par comparaison « prètz » a plus de 2'300 occurrences sur le même corpus, larguesa ou dreitura, une centaine). À noter que le terme paratge apparaît 48 fois dans la seule Canso de la Crozada.

Assez fréquent chez le troubadours sans représenter pour autant une valeur centrale, l'expression « de (bon) paratge » désigne la qualité de naissance de la dame noble du poème au même titre que « de bon aire » ou « de bon linhatge ». Il s'applique de même pour qualifier la noblesse d'un chevalier, et par extension, la famille noble, la noblesse. Il prend également chez certains troubadours le sens de noblesse de cœur et de mérite. Il est surtout le concept essentiel de la Canso de la Crozada ou il peut désigner le comte de Toulouse et ses alliés, être une allégorie de la ville de Toulouse, résumer l'ensemble des valeurs morales positives à défendre et « à restaurer » face aux croisés.

Comtesse de Dia
Valer mi deu mos prètz e mos paratges
E ma beutatz, e plus mos fis coratges
« Mon mérite, ma haute naissance, ma beauté et plus encore mon cœur fidèle doivent me faire valoir. »

Girard de Roussillon
N'a baron chevaler de nul parage
N'i aie perdut home de son lignage
« Il n'y a pas de noble chevalier d'aucune famille qui n'ait perdu [dans la bataille] homme de sa parenté »

Guiraut de Bornelh 
Mot era dous e plazens
lo temps gay cant fon eslitz
paraties, et establitz ;
que.ls drechuriers conoissens
lials, francx, de ric coraties
plazens, larcx, de bona fe
vertadiers, de gran merce
establi hom de paratie
per cui fo servir trobatz
cortz e domneis e donars
amors et totz benestars
d'onor e gran drechura
« Il était doux et plaisant le temps joyeux où la noblesse fut choisie et créée ; car paratge fut conféré à ceux qui étaient justes et sages, loyaux, francs, au cœur noble, plaisants, généreux, de bonne foi, sincères, compatissants. C'est grâce à de tels hommes qu'on été inventés le service courtois, le domnei, la largesse, l'amour et toutes les coutumes agréables, selon l'honneur et le droit. »

Dans l'Ensenhamen d'Arnaut de Mareuil
Li borzes eissamens
An pretz diversamens ;
Li un son de paratge
E fan faitz d'agradatge
« Les bourgeois, de même, ont du prix diversement, les uns sont de grande famille, et agissent de manière agréable. »

La Vida de Peire Cardenal
Peire Cardinal si fo de Veillac, de la siutat del Puei Nostra Domna ; e fo d'onradas gens de paratge, e fo filz de cavallier e de domna...
« Pierre Cardenal était du Velay, de la cité du Puy-Notre-Dame ; il était d'une honorable famille de la noblesse, fils d'un chevalier et d'une dame... »

Canso de la Crozada : discours par lequel le troubadour Gui de Cavalhon accueille le jeune comte de Toulouse sur le chemin d'Avignon (laisse 154, vv.6-17)
Mons Guis de Cavalhon desobr'un caval ros
A dig al comte jove : « Òimais es la sasos
Que a grands òbs Paratges que siatz mals e bos, Car lo coms de Montfòrt que destrui los baros
E la Glèisa de Roma e la predicacios
Fa estar tot Paratge aunit e vergonhós,
Qu'enaissí es Paratges tornats de sus en jos
Que si per vos no.s lèva per tostemps es rescos.
E si Prèsts e Paratges no.s restaura per vos,
Doncs es lo mòrts Paratges e tots lo mons en vos,
E pòs de tot Paratge ètz vera sospeiços,
O tots Paratges mòria o vos que siats pros ! »
« Messire Gui de Cavalhon, monté sur un cheval roux, / a dit au comte jeune : « Voici le moment / où Paratge a besoin que vous soyez belliqueux et brave, / car le comte de Montfort qui détruit les barons / et l'Eglise de Rome et ses prédicateurs / couvrent Paratge de honte et d'ignominie / au point que Paratge est tellement tombé à la renverse / que s'il ne se redresse pas grâce à vous, il disparaîtra pour toujours. / Et si vous ne restaurez pas Mérite et Paratge / alors, par votre faute, sont morts Paratge et tout l'univers ; / et puisque de tout Paratge vous êtes la véritable espérance, / il faut que tout Paratge meure ou que vous soyez vaillant »

 

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Notes : 

1. Philippe MARTEL, Les cathares et l'histoire : le drame cathare devant ses historiens : 1820­-1992, Toulouse, Privat, 2002, coll. Catharisme.

2. Sur l'évolution de l'interprétation de la Canso de la Crozada au XIXe et au XXe siècle, voir Philippe MARTEL, op. cit. : « Pour Mary­-Lafon et Peyrat, les valeurs de la civilisation occitane médiévale existaient d'abord par leur caractère démocratique et progressiste : elles annonçaient celles qui triomphent en France après la Révolution. Chez nos auteurs du XXe, ce caractère démocratique est second. Joi et Paratge définissent une éthique abstraite, pas un comportement social. Et surtout, ces valeurs sont immanentes, ancrées presque biologiquement dans l'homme d'oc, et échappent donc à l'histoire. »

3. « Qualité, extraction, haute naissance. » (TLFI) ; la parage est également un concept de droit féodal réglant les partages entre aînés et puînés.

4. « La civilisation qui constitue le sujet du poème n'a pas laissé d'autres traces que ce poème même, quelques chants de troubadours, de rares textes concernant les cathares, et quelques merveilleuses églises. Le reste a disparu ; nous pouvons seulement tenter de deviner ce que fut cette civilisation que les armes ont tuées, dont les armes ont détruit les œuvres. Avec si peu de données, on ne peut espérer qu'en retrouver l'esprit ; c'est pourquoi, si le poème en donne un tableau embelli, il n'en est pas par là un moins bon guide ; car c'est l'esprit même d'une civilisation qui s'exprime dans les tableaux qu'en donnent ses poètes. (...) Chaque civilisation, comme chaque homme, a la totalité des notions morales à sa disposition, et choisit. (...) Si l'intolérance l'emporta, c'est seulement parce que les épées de ceux qui avaient choisi l'intolérance furent victorieuses (...) L’Europe n'a plus jamais retrouvé au même degré la liberté spirituelle perdue par l'effet de cette guerre. »

5. Peter T. RICKETTS (éd.), Concordance de l'Occitan médiéval : Les troubadours. Les textes narratifs en vers [CD ROM], Brepols.



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Mots provençaux de l'histoire des albigeois, en vers, par de Tudele

Aquel manuscrit aperten a la bibliotèca del romanista Henri Pascal de Rochegude.
Conten de listas de mots per compausar lo Glossaire occitanien pour servir à l'intelligence des poésies des troubadours et des autres ouvrages écrits en cet idiome.
Los mots son tirats d'un dels manuscrits de la Canson de la Crosada mas cobrís sonque las letras A, B, C. Rochegude indica : « Ce dépouillement n’allant que jusqu’à l’F, je l’ai abandonné, parce que j’ai dans  mes recueils une copie que j’ai faite sur l’original » / Coma aquel despolhament  va pas que fins al F, o ai abandonat, perqué ai dins mos recuèlhs una còpia qu'ai facha de l'original. (aquela còpia se tròba dins lo manuscrit 4.)

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Préambules, notes et extraits des manuscrits de Rochegude sur les troubadours et les trouvères y compris la chanson de la croisade contre les Albigeois éditée et traduite par Paul Meyer avec la note des ouvrages publiés par la société de l'histoire de France

Chanson de la croisade contre les albigeois avec un préambule en Français

"Ancienne collection Frix Taillade. Achat à sa fille 1906/1907"

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La Batalha de Murèth : guida documentària
Centre interrégional de développement de l'occitan (Béziers, Hérault)

Ce TÈMA(S) n°3 a été préparé par les bibliothécaires du CIRDÒC-Mediatèca occitana en septembre 2013, à l'occasion du VIIIe centenaire de la bataille de Muret.

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La Canso de la Crozada / Paul Meyer
Meyer, Paul (1840-1917)

Réédition électronique du texte d'introduction de Paul Meyer pour La chanson de la croisade contre les Albigeois : commencée par Guillaume de Tudèle et continuée par un poète anonyme, Paris, Renouard, H. Loones, 2 tomes, 1875-1879.

 

Pour en savoir plus :


Consultez le manuscrit fr. 25425 de la Bibliothèque nationale de France de La Canso de la Crozada


Consultez l'article encyclopédique sur La Canso de la Crozada

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La canso de la Crozada
Lo CIRDÒC - Mediatèca occitana
Le long poème épique en langue occitane désigné en français sous le titre de "Chanson de la croisade contre les Albigeois" (en occitan moderne "Cançon de la Crosada" ; en ancien occitan "Canso de la Crozada") est connu par une seule copie manuscrite complète, conservée à la Bibliothèque nationale de France (Ms. français 25425), deux fragments et une version postérieure en prose connue par trois copies.


Composé au moment de la croisade en Languedoc ou croisade contre les hérétiques albigeois (1208-1229), le poème de la Canso représente le seul récit des événements relatés du point de vue languedocien et dans la langue vernaculaire.

Redécouvert au XVIIIe siècle puis par les premiers romanistes du début du XIXe siècle, ce texte joua un rôle important dans l'avènement de la renaissance d'oc ou l'éveil d'une conscience "occitane", à l'instar de Frédéric Mistral qui le considérait comme "la Bible de notre nationalité".

Autres versions du titre

L'oeuvre telle que nous la connaissons par le manuscrit fr. 25425 de la BNF, les deux fragments et la version en prose, ne comporte aucun élément de titre, en raison sans doute de l'absence de véritable incipit (L'incipit "Aiso es la cansos de la crozada contr els ereges d'Albeges" est une invention de l'édition Fauriel de 1837) ni d'explicit.


Sa dénomination a connu de nombreuses variations :

- La guerre des albigeois, en vers provençaux (1783, Guillaume de Bure)

- Histoire de la croisade contre les hérétiques albigeois (1837, Claude Fauriel)

- Chronique des albigeois (1838, François-Just-Marie Raynouard)

- Aiso es la cansos de la crozada contr els Eretges d'Albeges (1841, Du Mège, Histoire générale de Languedoc, Tome IV, d'après l'incipit inventé de l'édition Fauriel)

- Poème de la croisade contre les Albigeois (1861, G. Guibal)

- Chanson de la croisade albigeoise (1931, Eugène Martin-Chabot)

- Cançon de la crosada (Titre en occitan moderne normalisé : 1963, Robert Lafont ; 1972, Charles Camproux)

- Canso de la Crozada (Titre en ancien occitan, forme internationale retenue par l'IFLA pour l'indexation bibliographique, 2004).

Exemplaires conservés ou connus

Le manuscrit fr. 25425 de la Bibliothèque nationale de France est le seul témoin intégral conservé du poème, ou chanson, de la Croisade. On connait également deux fragments dont l'un est aujourd'hui perdu et trois copies d'une version en prose réalisée au XVe siècle sur un manuscrit différent du fr 25425.

Description physique

Description : manuscrit sur parchemin de 169 feuillets reliés. 

Dimensions : 245 x 180 mm 

Reliure : reliure maroquin bleu, tranches peintes. Il contient 13 dessins à la plume, considérés comme des esquisses à des enluminures inachevées. Ces dessins ont très souvent été reproduits car ils représentent une des rares représentations iconographiques à peu près contemporaines de la croisade.

À la page 70, le manuscrit contient une signature d'atelier ou de copiste : "Pons escriba""

Possesseurs identifiés 

vers 1336, "Jorda Capella" (prêtre ou chapelain du nom de Jordan ?), d'après une note manuscrite à la fin du manuscrit : "Jorda Capella deu sus aquest romans XV. tornes d'argentz bos quel prestem a VI. de fevrier M.CCC.XXXVI."

La manuscrit avait donc été engagé par un certain Jordan pour la somme de XV gros tournois.

Cette somme était "relativement élevée" selon Paul Meyer, bien qu'il ait traduit "tornes d'argentz" par "livres tournois", ce qui représenterait une valeur considérable ; en 1931, Eugène Martin-Chabot a rectifié la traduction par "quinze gros tournois", somme déjà significative.


XVIIe siècle : Collection du cardinal Mazarin [donnée incertaine : référence manquante]


Début du XVIIIe siècle : Collection de Pierre-Paul Bombarde de Beaulieu (1698-1783), conseiller au Grand Conseil de Louis XV, d'après Jean-Baptiste de La Curne de Sainte-Palaye qui cite plusieurs passages du manuscrit de la Canso ("Manuscrit de M. de Bombarde") dans ses Mémoires sur l'ancienne chevalerie (1759).

La copie que La Curne de Sainte-Palaye avait fait réaliser du manuscrit de la Canso, annotée et corrigée de sa main, est aujourd'hui conservée à la Bibliothèque de l'Arsenal (Ms. 3321) et suivi d'une "Table générale des noms de lieux de ce même manuscrit" et d'une "Table générale des noms propres du même manuscrit".


Deuxième moitié du XVIIIe siècle : Collection du duc de la Vallière, d'après le catalogue dressé par Guillaume de Bure en 1783.

Guillaume de Bure, Catalogue des livres de la Bibliothèque de feu M. le duc de La Vallière, Première partie..., tome second, 1783 ; n° 2708 (p. 168-170) : « Manuscrit infiniment précieux, rare et curieux. Il est du XIVe siècle, écrit en lettres de forme, à longues lignes, et il contient 120 feuillets, dont 13 sont ornés de figures dessinées au simple trait. » (p. 168)


Après 1783 : Bibliothèque du roi puis nationale (N° 190 du fonds La Vallière, puis Ms. français 25425, cote actuelle)

Le fragment perdu de Raynouard [R]

Le philologue romaniste F.-J.-M. Raynouard possédait un fragment d'une autre copie de La Canso "d'une écriture assez moderne" [Lexique roman, t. I, p. 226], perdu depuis son décès.

Ce fragment, publié par Raynouard, contenait d'importantes variantes, notamment des indications biographiques sur Guillaume de Tudèle, auteur de la première partie du poème, et ses liens avec le comte Baudoin, frère du comte de Toulouse Raimon VI.

Le fragment de Grenoble (G)

Ce fragment a également été présenté et utilisé par Raynouard dans son Lexique roman. Il est tiré d'une histoire manuscrite du Quercy, Les Esbats sur le pays de Quercy de Guyon de Maleville, sieur de Casals (ou Cazals), qui écrivait vers 1600.

Il s'agit de 38 vers rapportés par Guyon de Maleville ayant essentiellement trait à la condamnation prononcée au concile d'Arles. Ces vers présentent des variantes par rapport au manuscrit fr. 25425 de la BNF.


Document original :
"Seconde partie des esbats de Maleville sur le pays de Quercy audit pays", 321 f.. BM de Grenoble, ms. n° 1158.

Copie : La Bibliothèque municipale de Cahors possède une copie des Esbats sur le pays de Quercy de Guyon de Maleville, réalisée en 1806 (BM Cahors, Ms n° 1)

Edition : Esbats de Guyon de Maleville sur le pays de Quercy..., Publication de la Société des études littéraires, scientifiques et artistiques du Lot, Cahors, F. Delpérier, 1900 (588 p.)

Note de contenu

Versions remaniées en prose

Le poème a été mis en prose au XVe siècle à partir d'un manuscrit différent du fr 25425.

Cette version en prose est connue par trois copies du XVIe siècle : BNF, français 4975 / Bibliothèque de Carpentras, Collection Peiresc / Bibliothèque municipale de Toulouse, ms 608.

"Cette sorte de traduction, écrite d'un style lourd et pédantesque, et qu'on a pu, non sans vraisemblance, regarder comme l'oeuvre de quelque jurisconsulte inconnu, est loin d'être la représentation fidèle de l'original.

L'auteur ne visait évidemment en aucune manière à faire oeuvre de traducteur exact et consciencieux : son but n'était autre, selon toute vraisemblance, que de rédiger à peu de frais un livre d'histoire pour ses contemporains. (...)

Cette version en prose paraît avoir joui d'un certain succès. Elle est devenue, en l'absence du poème qui n'était guère connu avant la publication de Fauriel, l'une des principales sources de l'histoire de la croisade albigeoise.

Chassanion, Mar-Antoine Dominici, le président Catel, Pierre de Marca, Vaissète, pour ne parler que des anciens, en ont fait usage." (Paul Meyer, La chanson de la croisade..., t. I, Introduction).

Illustrations

Ce manuscrit comprend 13 illustrations à l’encre noire : 
  • frontispice 
  • la prise de Béziers 
  • le siège de Carcassonne
  • le combat de Montgey
  • la bataille de Saint-Martin-la-Lande 
  • la reddition de Moissac 
  • l’arrivée du roi Aragon devant Muret 
  • le concile de Latran
  • l’attaque des croisés repoussés à Beaucaire 
  • la rentrée du comte Raymond VI de Toulouse 
  • une bataille sous les murs de Toulouse
  • le combat de Baziège 
  • le siège de Marmande par le prince Louis de France

Notes d'étude

La Canso de la Crozada est un poème épique qui relate la croisade contre « les Albigeois » ou « hérétiques cathares » qui a eu pour conséquence le rattachement du comté de Toulouse au domaine du roi de France.


La Canso commence sur l'appel du pape Innocent III (1208). Le récit se termine, onze ans plus tard, par le siège raté de Toulouse par le fils du roi de France Philippe-Auguste, futur roi Louis VIII, « victoire toulousaine que le poète ne savait pas éphémère » (Henri Gougaud, 1984).

La croisade se termine en réalité le jeudi saint 12 avril 1229 à Paris, où le comte de Toulouse Raimon VII se soumet à l'Église et consent à terme au rattachement du Languedoc à la France.

Cette longue chanson épique, contemporaine des événements, a été composée en occitan et en vers alexandrins, par deux auteurs successifs.

Le premier, Guilhem de Tudèle, clerc navarrais établi à Montauban puis à Bruniquel, est partisan du camp des croisés. Son récit en 131 laisses (2772 vers) s'arrête à la veille de la bataille de Muret (1213), événement décisif.

Un continuateur anonyme, au style et aux intentions très différents reprend le récit où Tudèle l'avait laissé. En 83 laisses (6810 vers suivants), il relate la suite des événements jusqu'au siège de Toulouse, éphémère victoire du camp toulousain.


Le nombre de vers attribué à chacun des auteurs a donné lieu à débat. Jusqu'à Fauriel, les observateurs du manuscrits n'ont pas distingué les deux parties de l'oeuvre et l'attribuent à un seul auteur. Il faut attendre la thèse de Georges Guibal et l'étude de Paul Meyer pour dinstinguer clairement deux parties à la langue, au style et aux partis pris très différents. Enfin, en 1931, Eugène Martin-Chabot établit une version de référence du texte occitan et rectifie les parties attribuées à chaque auteur. Il regroupe les laisses en chapitres et forge des titres pour chacun d'eux, facilitant le repérage dans l'oeuvre.

Le texte du continuateur anonyme est souvent considéré de meilleure qualité linguistique et littéraire. Surtout, le texte de l'Anonyme est la seule source contemporaine de la croisade partisane du camp toulousain au point d'être reçu à l'époque contemporaine comme un texte de "résistance", ou "patriotique" avant l'heure.

Editions et traductions

- Claude FAURIEL, Histoire de la Croisade contre les hérétiques albigeois, écrite en vers provençaux par un poète contemporain, traduite et publiée par M. C. Fauriel, Paris, Imprimerie royale, 1837. Consulter en ligne [1].

- Paul MEYER, La chanson de la Croisade contre les albigeois, commencée par Guillaume de Tudèle et continuée par un poète anonyme, éditée et traduite pour la Société de l'Histoire de France, par Paul Meyer, Paris, Renouard, Henri Loones, 1875-1879, 2 tomes. Consulter en ligne [2]

- Eugène Martin-Chabot, La chanson de la croisade albigeoise, éditée et traduite du provençal, par Eugène Martin-Chabot, Paris, Champion, 1931.

- GOUGAUD, Henri, La Chanson de la Croisade albigeoise, traduction nouvelle par Henri Gougaud, BERG International, 1984


- Grandes pages de "La Canso"  : 1208-1219 / Guilhem de Tudèle et l'Anonyme ; texte original occitan établi par Eugène Martin-Chabot ; trad. française, annotation et prés. Anne Brenon ; trad. anglaise Janet Shirley ; trad. musicale Christian Salès, Paratge suite symphonique ; photos Jean-Louis Gasc, Argeliers : éditions Christian Salès, 2012.
  

Postérité de l'oeuvre

C'est la seconde partie de l'oeuvre, celle composée par le continuateur anonyme, qui fait depuis le XIXe siècle le succès de la Canso. Véritable "partisan" du camp toulousain, il introduit dans son texte des valeurs morales qui donnent à l'affrontement entre les croisés et le camp toulousains (partisans du comte de Toulouse) l'image très littéraire d'un combat de résistance du Bien contre le Mal :


"D'un côté se trouvent Paratge, la noblesse d'âme, le sentiment de l'honneur, les vertus d'un cœur généreux, inséparable de Pretz, le mérite personnel, qu'accompagnent le bon droit, Dreitz, la justice de la cause, Dreitura, la loyauté, Lialtatz. De l'autre, l'orgueil, Orgolhs, l'esprit de démesure, Desmesura, la fourberie, Engans, la mauvaise foi, Falhimens. Les premiers symboles s'appliquent naturellement à Raimond VI et à son fils, le jeune comte, les autres à Simon de Montfort et à ses partisans. C'est aussi le combat de la Croix et du Lion. Le poème est écrit à la gloire de Toulouse et de la maison comtale. Son héros est le futur Raimond VII, « le vaillant jeune comte dirige les combats », en lui « réside toute valeur », il « relève Paratge et abat les orgueilleux », il « redonne éclat et splendeur à ceux qui ont été ou sont spoliés. » (Dossat, Cahiers de Fanjeaux, 1969) Redécouvert au XIXe siècle dans un contexte d'éveil.

Critiques et interprétations de l'oeuvre

Une source historique inestimable

"Si nous étions réduits, pour étudier la croisade, aux sources latines, actes et chroniques, nous serions bien mal informés. Beaucoup de faits, principalement de ceux qui se produisirent du côté des méridionaux, nous resteraient cachés. Des nombreux alliés du comte de Toulouse, nous connaîtrions à peine quelques-uns, et par-dessus tout nous ne saurions rien du sentiment avec lequel les populations méridionales, Toulouse notamment, se mirent à la résistance, lorsqu'il devint clair que la croisade ne tenait à rien de moins qu'à remplacer les familles seigneuriales du Midi par quelques ambitieux venus de France. Sur tout cela Pierre de Vaux-Cernai ne sait à peu près rien et Guillaume de Puylaurens n'offre que quelques notions accidentelles et fragmentaires. La principale source d'information est le poème de la croisade." Paul Meyer, Introduction

Une "épopée nationale" ou le rôle de la Canso dans l'éveil d'un mouvement "nationalitaire" occitan

Voir Guibal 1861

« La Chanson de la croisade est pour nous, gens d'Occitanie, l'histoire de nos malheurs ; elle est notre épopée ; chaque ligne de ce poème semble écrite avec le sang de nos aïeux. » Joseph Salvat, recension de "Eugène Martin-Chabot. - La Chanson de la croisade albigeoise, éditée et traduite du porvençal. Tome I : la Chanson de Guillaume de Tudèle..." dans "Bulletin critique", Revue d'histoire de l'Eglise de France, vol. 19, n° 83, 1933

Une oeuvre de littérature "populaire"

A la différences des Chroniques de la croisade, projet historiographique, la Canso est une oeuvre de littérature, surtout pour sa deuxième partie composée par l'Anonyme, comme le souligne Paul Meyer qui n'en défend pas moins son intérêt historique, à propos de la relation que fait l'auteur du concile de Latran, très différente des Actes officiels du concile :


"Fauriel a eu tort de comparer les actes du concile avec le récit toulousain. Les actes du concile sont des décisions, non pas un procès-verbal des séances. (...) Il n'est pas possible de souhaiter une confirmation plus décisive du rôle que le poète assigne au pape, rôle où, je le répète, tout est un peu grossi et mis en accord avec la conception générale de l'œuvre, qui appartient à l'histoire populaire et ne peut tenir compte des nuances délicates. En somme, tout ce que nous pouvons contrôler, dans le récit du poème, paraît avoir toute l'exactitude qu'on peut attendre d'un écrit composé à une époque où ne régnaient pas les habitudes scientifiques de notre temps. Quand on a fait la part de la forme poétique employée par l'auteur, étant bien assuré que le comte de Foix ni surtout le pape n'ont parlé en vers provençaux, on se trouve en présence d'un document historique aussi valable que n'importe quelle chronique d'événements contemporains."


Plus récemment, l'écrivain et conteur Henri Gougaud réalisait une nouvelle traduction française du texte afin d'en rendre la qualité littéraire : « La Canso est un grand reportage chanté, une sorte de journal parlé feuilletonesque et passionné qu'il faut imaginer proféré par quelque bougre accoutumé des estrades, attentif à informer, bien sûr, l'assemblée devant lui bouche bée, mais aussi à l'émouvoir, à la tenir en haleine, à l'attendrir et à l'effrayer, à lui faire, si j'ose dire, l'amour en mots et l'amener à jouissance sous peine de se voir abandonné au prochain détour de couplet. La Canso, au fond, ne diffère que par sa dimension des « complaintes à faits divers » que l'on goualait, au siècle dernier, sur le pavé des cours. » (Gougaud, 1984)

 

Bibliographie

- The Song of the Cathar Wars. A History of the Albigensian Crusade by William of Tudela and an anonymous successor, éd. SHIRLEY J., Aldershot, 1996.


- BAGLEY C.-P., “Paratge in the Anonymous Chanson de la Croisade albigeoise”, French Studies, 21, 1967, p. 195-204.


- BOTTIN-FOURCHOTTE C., “L’Ambiguïté du discours chez Guilhem de Tudela”, Annales de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Nice, 29, 1977, p. 99-110.


- CÉNAC MONCAUT J., Lettre à M. Paul Meyer sur l’auteur de la Chanson de la Croisade albigeoise en particulier et sur certains procédés de critique en général, Paris, 1869.


- COLBY-HALL A.M., “William of Orange in the Canso de la Crosada”, dans Magister Regis. Studies in Honor of Robert Earl Kaske, éd. GROOS A. et alii, New York, 1986, p. 139-146.


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- DELARUELLE É., “L’idée de croisade dans la chanson de Guillaume de Tudèle”, dans La bataille de Muret et la civilisation médiévale d’Oc. Actes du col- loque de Toulouse (9-11 septembre 1963), Annales de l’Institut d’études occitanes, s.a., 1962-1963, p. 49-63.


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- GHIL E.M., L’âge de Parage. Essai sur le poétique et le politique en Occitanie au XIIIe siècle, New York, Bern, Frankfurt, Paris, 1989.


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- GOUIRAN G., “Tragediante ? Pis encore : jongleur ! ou De l’art de déconsidé- rer un adversaire : la présentation de l’évêque Foulque de Toulouse, alias Folquet de Marseille, par l’Anonyme de La Chanson de la Croisade albi- geoise”, dans L’anticléricalisme en France méridionale (milieu XIIe-dé- but XIVe siècle), Cahiers de Fanjeaux, 38, 2003, p. 111-134.


- GUIDA S., “L’autore della seconda parte della Canso de la crozada”, Cultura Neolatina, 63, 2003, p. 255-282.


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- HEUR J.-M. d’, “Sur la date, la composition et la destination de la Chanson de la Croisade albigeoise de Guillaume de Tudèle”, dans Mélanges d’histoire littéraire, de linguistique et de philologie romanes offerts à Charles Rostaing par ses collègues, ses élèves et ses amis, éd. DE CALUWÉ J., HEUR J.-M. d’, DUMAS R., Liège, 1974, p. 231-266.


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- MAFFRE J.-B., “Études sur le poème-roman de la croisade contre les Albigeois”, Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers, 9, 1878, p. 177-200.


- MALAFOSSE J. de, “Traduction nouvelle d’un passage de la chanson de la croisa- de contre les Albigeois”, Bulletin de la Société Archéologique du Midi de la France, 8, 1891, p. 62-63.


- MEYER P., “Notes additionnelles au tome II de la Chanson de la Croisade contre les albigeois”, Annuaire-Bulletin de la Société de l’Histoire de France, 16, 1879, p. 286-292.


- MEYER P., “Recherches sur les auteurs de la Chanson de la Croisade albigeoise”, Bibliothèque de l’École des Chartes, 26, 1865, p. 401-422.


- NEAL S.B., “Las donas e las feminas, las tozas avinens : women in La Canso de la Crozada”, Tenso, 10, 1995, p. 110-138.


- “Note sur l’édition de la Chanson”, Annuaire-Bulletin de la Société de l’Histoire de France, 10, 1873, p. 134-137.


- ORMIÈRES P., “Identification de l’Anonyme de la Chanson de la Croisade”, Bulletin de la Commission archéologique de Narbonne, 34, 1972, p. 153-160.


- PACH R., “Un poème patriotique médiéval : la Chanson de la croisade albigeoise”, French studies in Southern Africa, 22, 1993, p. 1-19.


- PATERSON L.M., “La Chanson de la croisade albigeoise : mythes chevaleresques et réalités militaires”, dans La Croisade : Réalités et fictions. Actes du Colloque d’Amiens 18-22 mars 1987, éd. BUSCHINGER D., Göppingen, 1989 (Göppinger Arbeiten zur Germanistik, 503), p. 193-203.

  • PEYRONEL G., “Sur la crédibilité historique de la Chanson de la Croisade albigeoise”, Nouvel Temp, 45, 1994, p. 16-19.
  •  RAGUIN Marjolaine, Lorsque la poésie fait le souverain : étude sur "La chanson de la Croisade albigeoise", H. Champion, 2015.
  • RAWLS D.N., “An etymological glossary for La chanson de la croisade Albigeoise”, Dissertation Abstracts International - A: The Humanities and Social Sciences, 44/11, 1984, p. 3379.


- RICKETTS P.T., “The Canso of the Albigensian Crusade : Literature and Patriotism”, dans Proceedings of the Second Conference on Medieval Occitan Language and Literature. University of Birmingham, 28-30 march 1982, Birmingham, 1982, p. 63-82.


- ROSTAING Ch., “Le vocabulaire courtois dans la deuxième partie de la Chanson de la Croisade des Albigeois”, dans Mélanges de linguistique, de philologie et de littérature offerts à Albert Henry, Strasbourg, 1970, p. 249-263.


- ROSTAING Ch., “Une traduction en provençal moderne de la Chanson de la Croisade”, dans Mélanges de langue et de littérature médiévales offerts à Pierre Le Gentil, professeur à la Sorbonne, par ses collègues, ses élèves et ses amis, Paris, 1973, p. 745-751.


- SULLIVAN K., “L’“absence” des hérétiques dans la Chanson de la Croisade albi- geoise”, Heresis, 38, 2003, p. 11-29.


- ZAMBON F., “La notion de Paratge, des troubadours à la Chanson de la croi- sade albigeoise”, dans Les voies de l’hérésie : le groupe aristocratique en Languedoc (XIe-XIIIe siècles), Carcassonne, 2001 (Heresis, 8), t. III, p. 9-27.


- ZAMBON F., “La prise et le sac de Béziers dans la Chanson de la Croisade albigeoise de Guillaume de Tudèle”, dans Guerres, voyages et quêtes au Moyen Âge. Mélanges offerts à Jean-Claude Faucon, Paris, 2000, p. 449-463.

 

Pour en savoir plus :


Consultez le manuscrit fr. 25425 de la Bibliothèque nationale de France de La Canso de la Crozada


Consultez la réédition électronique du texte d'introduction de Paul Meyer à la Canso de la Crozada

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Chanson de la Croisade contre les Albigeois de Guilhèm de Tudèla et anonyme
Guillaume de Tudèle (11..-12..)

Le manuscrit fr. 25425 de la Bibliothèque nationale de France est le seul témoin intégral conservé du poème, ou chanson, de la Croisade. On connait également deux fragments dont l'un est aujourd'hui perdu et trois copies d'une version en prose réalisée au XVe siècle sur un manuscrit différent du fr 25425.

Consultez le manuscrit de La Canso de la Crozada sur Gallica (BNF) : 

Description physique

Description : manuscrit sur parchemin de 169 feuillets reliés. 


Dimensions :
 245 x 180 mm 


Reliure :
 reliure maroquin bleu, tranches peintes. Il contient 13 dessins à la plume, considérés comme des esquisses à des enluminures inachevées. Ces dessins ont très souvent été reproduits car ils représentent une des rares représentations iconographiques à peu près contemporaines de la croisade. A la page 70, le manuscrit contient une signature d'atelier ou de copiste : "Pons escriba". 


Possesseurs identifiés 


- vers 1336, "Jorda Capella" (prêtre ou chapelain du nom de Jordan ?), d'après une note manuscrite à la fin du manuscrit : "Jorda Capella deu sus aquest romans XV. tornes d'argentz bos quel prestem a VI. de fevrier M.CCC.XXXVI."

La manuscrit avait donc été engagé par un certain Jordan pour la somme de XV gros tournois.

Cette somme était "relativement élevée" selon Paul Meyer, bien qu'il ait traduit "tornes d'argentz" par "livres tournois", ce qui représenterait une valeur considérable ; en 1931, Eugène Martin-Chabot a rectifié la traduction par "quinze gros tournois", somme déjà significative.


- XVIIe siècle : Collection du cardinal Mazarin [donnée incertaine : référence manquante]


- Début du XVIIIe siècle : Collection de Pierre-Paul Bombarde de Beaulieu (1698-1783), conseiller au Grand Conseil du roi Louis XV, d'après Jean-Baptiste de La Curne de Sainte-Palaye qui cite plusieurs passages du manuscrit de la Canso ("Manuscrit de M. de Bombarde") dans ses Mémoires sur l'ancienne chevalerie (1759).

La copie que La Curne de Sainte-Palaye avait fait réaliser du manuscrit de la Canso, annotée et corrigée de sa main, est aujourd'hui conservée à la Bibliothèque de l'Arsenal (Ms. 3321) et suivi d'une "Table générale des noms de lieux de ce même manuscrit" et d'une "Table générale des noms propres du même manuscrit".


- Deuxième moitié du XVIIIe siècle : Collection du duc de la Vallière, d'après le catalogue dressé par Guillaume de Bure en 1783.

Guillaume de Bure, Catalogue des livres de la Bibliothèque de feu M. le duc de La Vallière, Première partie..., tome second, 1783 ; n° 2708 (p. 168-170) : « Manuscrit infiniment précieux, rare et curieux. Il est du XIVe siècle, écrit en lettres de forme, à longues lignes, et il contient 120 feuillets, dont 13 sont ornés de figures dessinées au simple trait. » (p. 168)


- Après 1783 : Bibliothèque du roi puis nationale (N° 190 du fonds La Vallière, puis Ms. français 25425, cote actuelle)

Note de contenu

illustrations

Ce manuscrit comprend 13 illustrations à l’encre noire : 

  • frontispice 
  • la prise de Béziers 
  • le siège de Carcassonne
  • le combat de Montgey
  • la bataille de Saint-Martin-la-Lande 
  • la reddition de Moissac 
  • l’arrivée du roi Aragon devant Muret 
  • le concile de Latran
  • l’attaque des croisés repoussés à Beaucaire 
  • la rentrée du comte Raymond VI de Toulouse 
  • une bataille sous les murs de Toulouse
  • le combat de Baziège 
  • le siège de Marmande par le prince Louis de France


Pour en savoir plus :


Consultez l'article encyclopédique sur La Canso de la Crozada


Consultez la réédition électronique du texte d'introduction de Paul Meyer à la Canso de la Crozada