La génèse
Artiste du Minervois, Laurent Cavalié attache une importance toute particulière à la chanson : elle jalonne de part et d’autre son parcours créatif.
La chanson en tant qu’élément esthétique, certes, en tant que vecteur sensitif, émotionnel. Mais d’abord, en premier lieu, la chanson en tant que transmetteur. En tant que messager, témoin privilégié du contexte dans lequel elle prend forme. Bref, la chanson en tant que fait social.
C’est donc tout naturellement qu’il entreprend d’interroger la mémoire chantée de l’Aude et, plus largement, du Languedoc, son terrain de prédilection. Ainsi est né le projet Lo Bramàs (« le grand cri », en occitan), à partir de collectages réalisés aux quatre coins du département. Devenu collectif de chanteuses et chanteurs occitanophones, Lo Bramàs entreprend très vite de se réapproprier toutes ces bribes de chansons recueillies à droite à gauche auprès des habitants des villages, pour les faire vivre et, par là même, les restituer lors de veillées en forme de laboratoires.
L’idée principale étant de faire remonter à la surface la mémoire pour permettre à la transmission orale d’opérer à nouveau.
Le fait n’est pas anodin : il y a là, dans ce savoir enfoui, ce dialogue amputé, l’articulation d’un rayonnement culturel laissé pour mort. De quoi dévoiler, tour à tour, l’histoire d’un pays, et permettre à l’individu d'interagir en profondeur avec son environnement direct. L’antithèse d’une société atomisée, en somme.
Dans ce travail de renouveau, en mêlant héritage et construction, l’artiste, Laurent Cavalié, se place au cœur même des grands enjeux qui traversent notre époque.
L’identité y est envisagée non pas comme un simple héritage ou une donnée fixe à laquelle il faudrait se conformer, mais comme le fruit de processus relationnels. In fine : la clé de voûte d’une société plurielle.
Ce sont ainsi des centaines de chansons qui ont été collectées. Quelques-unes sont complètes, d’autres doivent être reconstituées. Ces collectages sonores sont aussi accompagnés d’une documentation écrite qui permet, quelquefois, de combler les trous de mémoire des interprètes enregistrés ou de donner plus d’indications sur la musique ou sur les paroles. Parfois, les versions d’un même morceau se croisent, se complètent, d’un village à l’autre.
La restitution de ce projet est aujourd'hui accessible au sein d’Occitanica.
Lo Bramàs, qu'es aquò ?
En France, cela fait deux siècles que passionnés, curieux et scientifiques collectent la mémoire des femmes et des hommes des zones rurales ou urbaines, d’ici ou d’ailleurs.
Avec les changements radicaux survenus depuis la révolution industrielle et, surtout, depuis 1945 sont apparues de nouvelles disciplines liées à l’étude des sociétés humaines, désormais confrontées au choix de la survie de leur langue et de leur culture.
Avec elles la notion de « collectage », opérations d’urgence pour récolter et sauver les derniers témoignages liés à un savoir, une chanson, une photo, un geste, un instrument, un conte populaire ou une simple anecdote. En somme : tout ce qui touche à la vie des individus, y compris ce qui peut paraître insignifiant de prime abord.
Si l’écrit domine aujourd’hui, il n’y a pas si longtemps, l’oralité était le médium principal en matière de transmission. Une oralité fragilisée voire rendue muette par une société atomisée, où le dialogue intergénérationnel est de moins en moins évident, où la solitude fait trop souvent place au grand silence.
Lo Bramàs, où c'est ?
> Les principaux lieux de collecte du projet Lo Bramàs se situent dans l'Aude mais quelques localités limitrophes de l'Hérault se sont montrées elles aussi riches en enseignement et informations. Les voilà par ordre alphabétique :
Aude :
Alzonne, Arquettes-en-Val, Cabrespine, Camplong-d'Aude, Capendu, Carcassonne, Duilhac-sous-Peyrepertuse, Ferrals-les-Corbières, Fontcouverte, Gruissan, Labastide-en-Val, Laure-Minervois, Lespanissière, Limoux, Maisons, Marcorignan, Montlaur, Montséret, Pépieux, Peyriac-de-Mer, Peyriac-Minervois, Port-la-Nouvelle, Portel-des-Corbieres, Roubia, Rouffiac-des-Corbières, Saint-Nazaire-d'Aude, Sallèles-d'Aude, Salsigne, Serviès-en-Val, Trausse, Villardonnel, Villanière
Hérault :
Agel, Beaufort, Cesseras, Felines-Minervois, La Caunette, La Liviniere, Olonzac, Siran
Organisés en groupe, les entretiens de ce collectage ont permis l'émulation des participants et de souvenirs en anecdotes, c'est une masse considérable de chansons qui ont ainsi été amassées : un volume hétéroclite cependant. En effet, la collecte présente des chansons populaires de langues très variées, minorisées ou non. Ainsi, les chansons de langue française (une grande majorité), allemandes ou anglaises côtoient l'occitan bien sûr mais aussi le catalan ou bien l'alsacien.
> Vous trouverez ci-dessous une sélection régulièrement mise à jour de quelques-unes des chansons collectées, et qui ont fait l'objet de réinterpréations filmées lors de veillées par l'association de production audiovisuelle KOVisuel. > Vous trouverez ensuite, à partir de chacune des pages hébergeant les vidéos, un lien permettant de consulter le document audio séquencé tiré des soirées de collectage originelles organisées aux quatre coins de l'Aude, ainsi que les paroles des chansons dans leurs différentes versions. |